• La mort sociale

     « L’esclavage perpétuel proposé ici dans une cage de fer
    et sous
    les coups sera préféré car il sera pire que la mort

    — c’est ça le progrès des Lumières. »
    Marion Sigaut

     « … ils ne veulent pas seulement nous posséder,
    ils veulent que nous soyons malfaisants comme eux,
    ils veulent nous emmener en enfer comme eux,
    ils veulent que nous aimions le mal comme eux. »
    F. Alexis Bugnolo 

    On peut tuer les gens de plusieurs façons. Après la mort sociale qu'ils sont chargés de mettre en œuvre, les organismes de tutelle usent de deux méthodes pour se débarrasser du cadavre :

    • ils l'assassinent ;
    • ils l'acculent au suicide.

     

    La première méthode est moins cruelle que la seconde — qui a donc les faveurs de l'Udaf. Après, ils mettent le tout sous le tapis et… on n'en parle plus. Résultat, on n'en parle plus ; les cadavres s'amoncellent par milliers chaque année sous le tapis mais on n'en parle pas. Parce que c'étaient déjà des morts, des morts socialement, et pour ceux-ci nulles obsèques, nulles condoléances, nulle couronne mortuaire. Des morts sans tombeau, des morts sans sépulture, des morts sans nom. Même pas une croix : même pas l'essentiel.

    Ils n'ont droit à rien, ils n'ont aucun droit, parce qu'ils n'existent pas. Ils sont comme des êtres invisibles qui hurleraient au milieu de la foule en s'arrachant les cheveux sans que personne les voie ni les entende, sans que personne le veuille même. Ce sont les morts socialement. On les a tués. On a voulu leur mort. « On » : qui ? pourquoi ?

    Peut-on dire qu'il y a deux écoles, celle qui assassine et celle qui accule au suicide ? Je ne le pense pas, je pense que la méthode dépend de la nature de la victime. Pour moi (pour ce qui était moi, puisque je suis morte), c'est la seconde méthode qui a été choisie, parce que je suis faible et que c'était amusant de me torturer ; et pourquoi les organismes de tutelle ne joindraient-ils pas l'utile à l'agréable, c'est-à-dire la torture à la spoliation, c'est-à-dire le sadisme à l'appât du gain ?

    Ces gens ne connaissent pas les scrupules qu'une conscience peut introduire dans un esprit humain, puisque ces gens ne sont pas de cette espèce. Leur absence de conscience révèle leur nature non humaine. Ce n'est donc pas leur faute. Peut-on dire cela ? Si l'on dit cela, il faut dire pareillement de Satan « ce n'est pas sa faute », et c'est une hérésie ! C'est donc leur faute, ils ont choisi.

    Cela nous amène à cette question de fond : s'il y a des fils de Satan, cela signifie-t-il que Satan peut créer quelque chose ? Je dirais que non, puisque ce qu'il « crée » n'est en fait qu'un outil de destruction (comme l'est le tutueur-curatueur). Peut-on dire qu'il « crée » pour mieux et plus détruire ? On peut avancer cette supputation, même s'il faut rester prudent en la matière : ce n'est donc qu'une supputation. Il n'en reste pas moins un refus farouche, sauvage, de l'âme à admettre que tous ici-bas sont fils de Dieu. Peuvent-ils être fils d'un autre, qui ne peut créer ? Peuvent-ils être entités de la même nature que cet autre et ayant pris apparence humaine ?

    Quoi qu'il en soit, la captation des biens matériels de la personne (laquelle n'est jamais considérée comme telle) est la finalité recherchée par les organismes de tutelle. Nous remarquons incidemment que tutelle et truelle sont étrangement proches — frères paronymes — pour user d'un oxymoron, soit deux figures pour le prix d'une, deux en un, ou trois si l'on considère que frères paronymes est pléonastique. Mais ce n'est pas l'objet.

    L'objet est plus prosaïque, tellement prosaïque qu'il me répugne de le manipuler, et c'est pour cela qu'inconsciemment il semblerait que je fisse tout pour le contourner et ne pas avoir à le traiter, parce qu'on répugne toujours, étonnamment, à plonger ses mains dans le bac de matières excrémentielles, puisqu'« il est difficile de toucher la saleté sans se salir les doigts »… Pourtant, il faut se faire violence, et il n'y a pas de vision trop hideuse pour l'œil clair ni d'odeur trop méphitique pour la narine dégagée.

    Si les sens ne sont pas pervertis, ils doivent pouvoir soutenir toute monstruosité, toute aberration, toute abjection, toute forme d'inhumanité. C'est l'œil coupable qui se détourne, de même que la main souillée, la vue déviante, le goût perverti, le flair vicié. C'est amusant que le vice ne puisse pas se faire face, ne veuille jamais se faire face — à croire qu'il n'aura jamais à le faire ! Qu'il continue à le croire, mais il n'en tombera que de plus haut. Il y retrouvera ceux avec qui il s'était allié céans, ses frères francs-macs, talmudistes de Babylone, idiots escrocs, onanistes, pédos et autres pédérastes, etc.

    L’ange à saint Jean Bosco : « Ils ont été condamnés parce qu’ils sont coupables, malgré leur apparente innocence. » « C’est l’impureté qui cause la ruine de nombreux jeunes ! »

    Ils se haïront tous enfin à leur juste valeur et ils se haïront eux-mêmes, ils se vomiront encore plus — c'est donc assez incommensurable — qu'ils ne font vomir les autres ici-bas. N'oublions pas qu'ils l'ont voulu. Ils l'auront. Ils se sont enlisés dans le mal, ils ont signé et contresigné leur visa pour rejoindre leur père. Ils vont y aller, parler à leur père, et peut-être même plus tôt que celui-ci n'aurait voulu les rappeler à lui.

    On trouve ici-bas toute la grande catégorie des refoulés de l'enfer. Ceux qui sont encore ici-bas sont ceux qui sont tellement misérables et méprisables que même Satan n'est pas pressé de les rappeler à lui. Ce sont tous ces gens qui feraient pitié s'ils ne faisaient vomir. On les trouve prioritairement dans les organes de la république. La république recrute en priorité de ces étrons. La république ne peut pas collaborer avec autre chose qu'avec des choses de cette nature.

    Si ce sont des choses, sont-ce des gens ? Ce sont des entités démoniaques ayant vaguement apparence humaine. Leurs yeux trahissent leur patrie. D'ailleurs la vue de tant de laideur est insoutenable. Ça contredit ce que j'ai dit plus haut : l'œil doit pouvoir tout soutenir. Comment sortir de l'aporie ?…

    L'œil doit pouvoir soutenir toute immonde hideur, le nez doit pouvoir soutenir toute immonde pestilence, etc., mais cela ne veut pas dire que mon œil y soit prêt, que mon nez y soit prêt… Mon œil ne le peut pas, mon nez ne le peut pas. L'âme ne le peut pas, s'y refuse de toute son âme, se cabre, se débat, et dirige finalement ses pas en arrière et non en avant… L'âme n'est pas prête. Quelle âme peut prétendre l'être ? Quelle âme l'est réellement, pratiquement et non théoriquement ? Si un franc-mac tripote un gosse, les parents dudit gosse pourront-ils garder des dispositions toutes chrétiennes à l'endroit dudit mac ?

    Je n'ai pas envie de rendre grâce d'avoir eu affaire à ce qu'il y a de plus vil, de plus bas, de plus misérable, de plus hideux, de plus répugnant, de plus stupide, de plus grossier, de plus vulgaire en ce très bas monde, et je n'ai pas envie de rendre grâce de devoir avoir affaire après ça à l'immonde Udaf, qui parachève l'assassinat, qui parachève l'œuvre d'écœurement absolu. (Mais tout cela n'est pas le fruit du hasard.) Je n'ai pas envie de rendre grâce, pourtant c'est ce qu'il faudrait faire, c'est ce que doit faire un chrétien. J'en suis incapable. Puis-je me dire chrétienne ?

    À ce stade, il faut citer l'intégralité de la phrase de la bienheureuse Stéphanie :

    « Quand l'homme marche par ce chemin de l'affliction et de la désolation, l'amertume qui remplit son pauvre cœur le dégoûte entièrement du monde et des appâts de cette vie. L'homme étant dégoûté de ce monde, goûte d'un autre côté son Dieu : goûtant Dieu, il s'attache à lui : s'attachant à lui, il embrasse toutes ses volontés : embrassant toutes ses volontés, il se conforme entièrement à lui : se conformant entièrement au bon plaisir de Dieu, il se transforme en lui. Et ainsi l'affliction est le chemin du parfait amour et de la parfaite transformation. »

    Je n'ai pas envie de rendre grâce, parce que je n'ai pas l'élévation d'âme nécessaire, parce que je ne suis pas habitée des bonnes dispositions. Le dégoût, l'âcreté dans l'arrière-gorge supplante le reste. J'aurais voulu ne pas partir avec cette âcreté, mais il semble que le Seigneur ne l'ait pas voulu. Je n'étais pas dans les dispositions idéales pour partir, il restait cet arrière-goût envahissant et parfaitement écœurant. Je suis partie avec ça, je suis partie avec l'envie de vomir supplantant tout. Je le regrette, je regrette de n'être pas dans les bonnes dispositions.

    Mais qui garde des dispositions toutes chrétiennes face à l'iniquité, à la perversion, à la plus immonde vilenie ? Combien sont-elles ces âmes d'élite ? Chez les autres âmes, pléthoriques et plébéiennes, l'âme se refuse ; que faire quand l'âme se refuse ? faut-il prier qu'elle accepte, prier qu'elle accepte l'immonde, prier qu'elle accepte l'inacceptable ? « Inacceptable » est un mot de la langue, et des plus usuels, et il a toute une flopée de proches parents : intolérable, insoutenable, inadmissible… N'ont-ils pas leur raison d'être ? Ne correspondent-ils pas à une réalité, qu'ils décrivent ?

    C'est une réalité, notre réalité, ma réalité, dans mon petit monde étriqué et mon petit esprit mesquin, mais le christianisme demande la transcendance, demande qu'on se transcende, il demande l'impossible… C'est peut-être ce qui explique le petit, et de plus en plus petit, nombre de chalands qui croisent en ses eaux. Pourtant, c'est tout ce qui fait son attrait la transcendance à laquelle il nous appelle. Être chrétien, c'est vouloir être plus que ce qu'on est, c'est vouloir être au-delà de soi. Il doit y avoir une part d'orgueil… Aïe, c'est là le plus grand piège, tirer de l'orgueil du fait d'être chrétien, et par là même tomber de Charybde en Scylla…

    Le christianisme, c'est bien parce qu'il nous demande l'impossible qu'il a essaimé sur tous les continents et résisté à deux millénaires de persécutions ininterrompues, c'est parce que l'homme est appelé à l'impossible mais que l'impossible n'est pas de ce monde, il n'est donc pas de ce monde (prémisses-syllogisme, CQFD). On est attirés par ce qui n'est pas à notre portée. Ce qui est inaccessible ici-bas nous attire irrépressiblement, parce que ça correspond à notre essence, c'est ce que nous sommes appelés à être, c'est ce que nous devrions être, ce que nous n'aurions jamais dû cesser d'être. C'est la nostalgie de l'à-venir.

    Ainsi donc on commence par tuer socialement, par la tutelle-curatelle, puis on tue le corps en assassinant (en HP notamment) ou en acculant au suicide. L'assassinat social permet de se débarrasser des fâcheux, les fâcheux qui refusent la corruption systématique comme mode de gouvernance, les fâcheux qui refusent le satanisme institutionnalisé.

    La mort sociale


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